Un samedi noir de sous France...
Ce qui devait arriver est finalement arrivé : le XV de France a été écrasé par les All Blacks par un score (62 à 13) qui donne le vertige. On ne pensait pas que la débâcle serait de cette ampleur… Si le sentiment d’humiliation prédomine, c’est surtout celui de tristesse qui fait le plus mal.
La désillusion est totale. C’est comme si à travers cette rencontre, tous les fantasmes générés depuis 4 ans, à propos du niveau de cette équipe, de son potentiel, étaient balayés par la réalité du terrain. Cette réalité est d’autant plus douloureuse à accepter face aux Blacks, adversaires qui, dans la Coupe du monde, ont souvent permis aux joueurs du XV de France de se ressaisir, de se retrouver en tant qu'équipe et de réaliser des matches qui restent gravés à jamais dans l’histoire de ce sport. Les héros de 1999 et 2007 sont donc bien loin, même ceux de 2011…
Cette équipe a non seulement perdu d’une manière qui frise l’indécence, mais elle a insulté ce rêve bien français de sortir le match de légende en tant qu’outsider. Pendant ce temps là, et dans le plus complet anonymat, les volleyeurs français se qualifiaient pour la finale du championnat d’Europe, en remontant deux sets perdus contre le pays organisateur. Quand des sportifs français savent encore se surpasser et honorer ce qu’ils représentent… Fin de la parenthèse.
Ce naufrage complet du XV de France pose évidemment beaucoup d’interrogations sur les raisons qui l’y ont conduit. Ce qui est certain, c’est qu’il remet en question l’ensemble du mode de fonctionnement du rugby national, de la Fédération au calendrier du Top 14, de la formation des joueurs au choix des dirigeants.
Mais le plus grave dans cette indigne défaite tient surtout à la pauvreté du jeu et à l’esprit. Aucune équipe de France n’a joué en effet avec aussi peu de cohésion, d’envie et d’engagement. Certes les Blacks, comme toujours, ont été puissants et de formidables manieurs de ballon, mais face à elle, il n’y a eu ni révolte, ni surpassement collectif.
Vide d’inspiration, sans aucune âme, incapable de se transcender, de hisser son niveau de jeu, de l'accélérer, cette équipe fait affreusement mal à voir. S'entêtant dans le défi physique, son impasse dans le jeu est criante au même titre que son déficit de passes. Malgré l'immense déception, il est un soulagement de la voir s'arrêter ici. Trop dur à regarder, à supporter l'insupportable quand on aime ce jeu à la française...
Le désastre n'est pas d'avoir perdu contre une équipe plus forte, mais d'avoir été incapable de produire du jeu. À qui la faute? Problème de talent individuel ? Peut-être. Mais la faillite est d'abord collective au nom précisément de cette incapacité à jouer collectivement comme si les joueurs n’étaient plus prêts à se battre, à donner leur vie pour le copain, pour l’équipe et ce qu’elle représente à l’échelle d’un pays. Exit donc les fondamentaux…
À l’image d’une société, une équipe de rugby gagne non pas en misant sur des individualités, mais sur la cohésion d’un groupe avec ses forces et ses faiblesses, sur la valorisation de ses différences, et surtout, sur un plan de jeu suscitant l’adhésion de tous. Confiance et solidarité deviennent alors les maîtres mot dans la perspective de la réussite.
C’est donc maintenant le temps de la reconstruction avec, aujourd’hui, cette plaie béante qui se refermera un jour, mais dont la large cicatrice nous rappellera ce samedi noir de souffrance. Car, à travers cette défaite, nous avons perdu un peu plus qu'un match de rugby, mais un bout de nous-même sur le terrain.
Une pensée amicale pour Thierry Dusautoir qui méritait bien une autre sortie…