Toulon pour Toujours !

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Toulon pour Toujours !

Il aurait été sans doute plus juste ou important de rendre hommage à Dimitri Yachvili, dit Le Yach, ce grand demi de mêlée et buteur de l'équipe de France et du BO qui a décidé, le 10 avril 2014, de mettre un terme à sa carrière… Mais la récente actualité m’oblige, presque malgré moi, à passer au second plan cet événement tant la nouvelle sortie médiatique de Bernard Laporte, faisant suite à celle de son président Mourad Boudjellal, me choque (une fois de plus, mais peut-être une fois de trop). Pardon Dimitri…

Quand, récemment, le président actuel du R.C. Toulon n’avait pas hésité à dire dans le journal La Provence, daté du 21 mars dernier : « Les lois du rugby appartiennent à un autre siècle. Je comprends mieux pourquoi le rugby à XV a grandi au détriment du rugby à XIII sous le régime du Maréchal Pétain et de Laval. Il en reste peut-être de l’ADN aujourd’hui… », la limite du supportable avait déjà été franchie, mais on pouvait éventuellement s’en accommoder compte tenu de la nature provocatrice du personnage qui, on le sait, cherche systématiquement à faire le buzz dans les médias. Et puis, on se dit, après tout, qu’il est un homme d’affaires peu préoccupé par les valeurs du Rugby et leur dimension éducative à l'attention des plus jeunes. Cette provocation est celle d’un marchand prêt à tout pour faire parler de lui…
Mais, cette fois, c’est le manager de l’équipe, Bernard Laporte, homme de terrain, qui jette l’opprobre sur le monde du Rugby quand, dans le Journal l’Équipe du 25 avril dernier, soit un mois plus tard après son président (à croire qu'ils font une compétition dans le domaine de la provocation, de la bétise et du mauvais goût), il n’hésite pas à comparer la Fédération Française de Rugby avec la Stasi, la police secrète de l’Allemagne de l’Est de l'époque (rappelons tout de même que cet organisme a fait de nombreuses victimes durant la guerre froide dans le contexte d’un régime totalitaire qui autorisait notamment les soldats à ouvrir le feu sur toute personne essayant de franchir le mur de Berlin, y compris les femmes et les enfants)...

Cette sanction lourde à l’encontre du manager de Toulon fait suite à des propos plus qu'injurieux envers un arbitre. Quand on sait que l’une des plus grandes vertus de ce jeu tient précisément au respect des règles et à celui qui les applique sur le terrain au risque sinon de devenir un sport de voyous joué par des voyous, la sanction semble plus que justifiée et légitime. Interdit de terrain, de vestiaire et de communication avec ses joueurs durant le match pendant une période de seize semaines, le manager du RCT ne digère pourtant pas cette sanction et déclare : « Qu’on m’interdise de parler. Mais qui va interdire de parler ? C’est pire que la Stasi ces gens-là. Ces médiocres, il faut qu’ils partent du monde du rugby car ils se comportent mal. Et s’ils ne partent pas, on fera tout pour les virer. » Voilà la raison pour laquelle Bernard Laporte, boursoufflé d’orgueil, en profite pour se projeter dans l’avenir comme le futur président de la FFR pour, soit disant, faire le grand ménage… Il souhaite donc proposer sa candidature qu’il annonce dans ce même journal, le même jour : « J’ai envie de jouer un rôle important à la Fédération. Depuis deux ans, des amis proches me disent d’y aller. Et là, depuis deux mois, j’en ai envie. Le fait d’avoir été sanctionné m’a encore plus donné envie ». Quand on sait qu’un sondage dans L’équipe (du 25 avril 2014), à partir de 20 000 votants, montre que 44% d’entre eux souhaitent le voir à la tête de la FFR, on se dit que la vulgarité et l’affairisme s’immiscent progressivement mais surement dans la mentalité du Rugby. Ils restent certes minoritaires, mais de très peu, et pour combien de temps encore ?

Au-delà de l’importance que l’on accorde à cette volonté de candidature, le R.C. Toulon a-t-il mérité que ces personnages, aussi grossiers dans leurs propos que égocentriques dans leurs comportements, se retrouvent à la tête de ce club immense, historique et emblématique (trois fois champion de France : 1931, 1987, 1992), lequel a vu naitre les grands parmi les grands à travers toutes les générations : les frères Herrero, Jérôme Gallion, Éric Champ, Christian Carrère, Arnaldo Gruarin, Henri Rancoule… Ces joueurs d’exceptions, parmi d’autres, ont représenté ce club avec une grande fierté dans le respect des valeurs de ce sport, sur le terrain comme en dehors. Par delà les victoires et les défaites (la plus douloureuse fut sans doute celle de 1968 contre Lourdes dans des circonstances bien particulières), ils en ont fait sa réputation en le hissant au sommet du Rugby et lui ont donné l’occasion d’être aimé un peu partout en France. Même si l’on n’est pas toulonnais d’origine, on respecte le stade Mayol pour ce que ce club a apporté au Rugby français… Alors, forcément, quand on entend le mépris, la rancœur et la petitesse devenir son porte parole, c’est la honte qui l’emporte.

Pour celles et ceux qui, éventuellement, l’ignoreraient encore, le RCT, c’est une langue et un jeu à part dans le monde du Rugby, car ils ont été inspirés par des poètes, des hommes d’esprit aux antipodes de la vulgarité. Les plus belles paroles sur l’Ovalie ont en effet l’accent de la Rade, où des barbus, aux longs cheveux sertis d’un bandeau rouge sur le front, ont joué et chanté l’amour de ce jeu et de la vie. Si donc on aime le Rugby, on aime Toulon !
Mais que reste-t-il de cet esprit quand les Rapetou ont pris le pouvoir ? Si l’accent demeure, il est comme vidé de sa substance, de son identité, de son histoire… Combien de fois encore faudra-t-il supporter les déclarations toujours plus arrogantes, déplacées et obscènes de la part de ces messieurs ? Vouloir remporter des titres est bien légitime, mais à quel prix ? Les supporters sont aveugles quand la victoire se profile au bout du chemin. Pourtant, il peut exister des défaites cuisantes au moment même de soulever un trophée, je parle de celles qui reviennent à l’esprit un jour, au creux de la vague, et qui révèlent à chacun que la tolérance et le respect ont été des valeurs bafouées le temps d'un règne.

Dans l’entreprise qui consiste à vouloir devenir le maître du monde, rayer de la carte ceux qui deviennent des obstacles est une logique trop bien connue dans le sport comme ailleurs. La paranoïa s’installe et les mots deviennent des armes de destruction. Il est grand temps que la résistance opère activement contre ceux qui se croient être prétendument les résistants, les victimes d’un système, d'un complot, d’une dictature. Bien loin de moi de penser que la FFR et ses dirigeants sont des saints et qu’il n’est pas nécessaire de réformer un mode de gouvernance sans doute vieillissant, mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue que le véritable agresseur se trouve du côté de ceux qui se servent de ce club pour régler des comptes tout en privilégiant certainement leur intérêt personnel.

Que vive le RC Toulon pour toujours ! À la veille de sa demi finale en H Cup contre le Munster, que sa plus grande victoire s’inscrive sur le long terme par le sauvetage et la sauvegarde de son esprit célébré par le poète ! Nous avons besoin de lui, mais pas de ceux qui maltraitent les mots comme les valeurs éducatives de ce jeu.

Daniel Herrero. Rugbyman et poète...

Daniel Herrero. Rugbyman et poète...

Jérôme Gallion porte le bouclier de Brennus après la victoire contre le Racing, 15 à 12 (Finale 1987).

Jérôme Gallion porte le bouclier de Brennus après la victoire contre le Racing, 15 à 12 (Finale 1987).

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ola, <br /> <br /> je viens de lire ton article bien chaud , difficile de ne pas l'etre a voir l'hypocrisie de certains detracteurs qui veulent tout posseder ! a travers ce sport ,des joueurs au grand coeur donne des leçons humilités d'autres tires des ficelles pour le pouvoir et bien d'autres aviditées ....comment peut-on constuire un homme s'il n'arrive plus a regarder le monde qui l'entoure !
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G
Les joueurs sont sur le terrain. L'humilité, c'est leur lot quotidien. Il suffit de voir le match de Toulon pour s'en convaincre. Sérieux, appliqués, abnégation et respect de l'adversaire... Tout le problème vient de ceux qui tirent les ficelles, tout en haut. Jusqu'à quel point sont-ils capables d'en faire autant au niveau de leurs responsabilités ? J'espère que Toulon n'aura pas des lendemains trop difficiles...